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Adieux l’Emile…

Les 1000km étaient au programme de la journée. Je ne souhaitais pas particulièrement fêter ce non- évènement, mais je surveillais mon compteur pour prendre la photo qui en attesterait. Les trois neuf se sont envolés dans la rue du marché, au milieu des fruits et légumes du village de pêcheurs de Dàm Nuôc Màn que traverse la QL1, pour laisser place libre à trois zéros…tout neufs !

1000 bornes au jeu de société du Vietnam depuis Chau Doc. Pour un cycliste cela n’est rien, tout au plus 10 à 11 jours de vélo pour la préparation de la saison. Pour le cyclo-randonneur que je suis, c’est la sensation particulière d’être parvenu à solutionner de nombreux paramètres indépendants de l’activité sportive proprement dite. L’occasion également de dresser un premier constat sur ce qui reste de l’Indochine Française.

Résoudre les situations qui se sont présentées se traduit par apprendre les codes, même là où il n’y en a pas, comme par exemple pour le plus flagrant d’entre eux, le code de la route. Enfin, s’il y en a un -je suppose que oui- il n’est absolument pas respecté. Il est remplacé par une règle de bonne conduite qui consiste à éviter sans sourcilier toute manœuvre qui mettrait en danger le protagoniste d’en face. Où cela devient un sport à part entière c’est pour les piétons qui jouent à « qui traverse gagne ». Pour les cyclistes il faut s’habituer à être doublés à droite, à comprendre l’incompréhensible des petits camions qui mobilisent la file de gauche réservée normalement, d’après les panneaux routiers, aux véhicules les plus rapides. Les bus, qui outrepassent toute logique sécuritaire, sont alors contraints de doubler à droite en se signalant à grand coups de klaxons énervés. Dès lors, une seule solution, il vous faut dégager au plus près du bord de route !

Les codes, c’est aussi savoir jongler avec les zéros des Dong. Heureusement les commerçants sont bienveillants et vous évitent beaucoup d’erreurs notamment entre les billets de 10 000D et ceux de 100 000D, presque identiques.

Encore une histoire de zéros qui n’est pas dramatique, car là on ne joue que pour 4 Us$ !

Son quotidien, c’est vivre ses repas dans la rue en s’arrêtant au stand de ravitaillement dont vous avez envie. C’est retenir son hôtel sans toutefois l’inquiétude de rester sans logement pour la nuit. Plus globalement c’est organiser en toute indépendance son aventure en fonction du rythme du pays.

C’est alors, et alors seulement, qu’il vous vient la sensation d’ivresse que procure ce type de voyage. C’est cette liberté de rouler sans autre besoin que celui de vivre qui vous inonde de plaisir. Vivre en savourant ce cadeau qui s’offre à vous. Avancer dans cet espace inconnu que vous traversez vos sens en éveil. Rouler en ayant conscience d’être ce privilégié de retour à une vie dans sa plus simple expression, sans autre considération. Cela ne dure pas et je le sais bien, c’est pour cela que j’apprécie la moindre parcelle de ce temps qui passe et bientôt me dépassera.

Pour les Français le temps est loin depuis la capitulation de l’Indochine Française et la défaite de l’armée coloniale à Diên Biên Phu. Le plus flagrant c’est que personne n’utilise plus la langue française dans mes rencontres. Là aussi c’est l’Anglais qui domine notamment chez les jeunes lycéens ou travailleurs. Seuls deux mots subsistent curieusement dans la vie courante : Garage et Ambulance. Sur le plan architectural, les églises, construites dans les villages sont bien entretenues. Elles demeurent le symbole d’une christianisation du peuple par les missionnaires. Le rite chrétien de la mort, avec la présence de tombes dans de grands cimetières à la sortie des villes ou bien, pour quelques unes, plus surprenant, au milieu des rizières, est largement respecté.

Demain, je rejoins Da Nang, au tiers de mon parcours Vietnamien. J’y resterai une journée avant de partir pour Hué ancienne capitale impériale classée par l’UNESCO au patrimoine mondial de l’humanité pour sa richesse culturelle et historique.

Mais c’est une autre histoire…