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Le Laos, hélas…sans vélo !

S’adapter encore et toujours

Avant de vous entraîner avec moi au Laos – je suis arrivé à Vientiane sa capitale – je souhaitais revenir sur la situation stressante à extrême vécue à la frontière près de Dien Bien Phu, en essayant : de démêler les mécanismes qui m’ont angoissé, traumatisé, d’identifier les effets déstabilisants, tels que la perte de discernement, des priorités, l’échec sans issue me voilant toute solution, pour finalement trouver les clés et ouvrir la petite porte qui m’a permis de sortir de l’impasse.

« Prévoir ce qui n’est pas prévisible ». C’est avant tout un état d’esprit : savoir qu’à tous moments on peut être surpris par une situation qui s’impose au-delà de toute considération. Le premier moyen consiste à recenser à l’avance l’ensemble des éléments pouvant venir perturber vos projets quels qu’ils soient. Ce travail doit être effectué avec mesure, graduellement, sans pour autant tomber dans l’inertie d’une paranoïa. C’est la première partie de l’état d’esprit : anticiper et mettre au service de l’objectif toutes les ressources potentielles connexes. Par exemple en ce qui me concerne, j’aurais pu obtenir mon visa pour le Laos si je m’étais rendu à l’ambassade à Hanoï comme prévu.

La deuxième phase consiste à se débarrasser très vite de l’objectif premier devenu un handicap pour un raisonnement libre. La réussite envisagée qui apporte du bonheur, déclenche instantanément un état dépressif contraignant. C’est en convertissant cet état moral qui vous dépasse en une force puissante que l’on retrouve la dynamique nécessaire. Cela passe par faire le vide, un retour au calme, un bilan exhaustif de la situation, la détermination d’un nouvel objectif et des actions pour parvenir à mobiliser les ressources disponibles. Pour moi, il ne s’agissait plus de poursuivre en vélo, mais de récupérer le visa donnant l’accès au Laos sans être pénalisé au Vietnam et sans perdre mon billet d’avion retour programmé à Vientiane. Tout est alors devenu clair et réalisable, d’où mon arrivée dans cette ville.

L’état d’esprit du voyageur ou du sportif, tout est transposable, se résume à la gestion de ce perpétuel équilibre instable entre le réel et le possible. Et c’est ainsi que je n’ai pu prendre aucune photo de Dien Bien Phu dont c’était la célébration du 70 ème anniversaire…

Luang Prabang la protégée

Je me suis accordé une journée supplémentaire après mon arrivée à Vientiane pour prendre le pouls de la ville et changer d’hôtel. J’ai finalement trouvé un hébergement à prix modique (24$ la nuit) mais correct et surtout avec les services annexes dont j’avais impérativement besoin, notamment la possibilité de garder en consigne mon carton de vélo, mes effets devenus inutiles et de me permettre une visite de 3 jours à Luang Prabang tout en réservant ma chambre pour le reste du séjour à mon retour.

La coopération avec le grand voisin Chinois a permis la construction d’une voie de chemin de fer et la circulation d’un train à grande vitesse de Vientiane vers la Chine. Ce train, à prix populaire, 6$ aller-retour, dessert maintenant la gare de Luang Prabang grâce aux nombreux ouvrages d’art conçus avec de nombreux longs tunnels et ponts réalisés dans ce paysage de moyenne montagne sur les deux derniers tiers du parcours. Dans son premier tiers la campagne Laotienne offre un paysage d’aquarelle avec des bosquets, de petites rizières et de nombreuses fermettes qui se consacrent à l’élevage des bœufs, porcs poulets et, dans de petits étangs creusés à proximité dans la glaise, de poissons.

Luang Prabang a maintenant sa gare surdimensionnée à la chinoise à 20 km de la ville. Un service de navettes locales, efficace et à bas coût, permet de se rendre en ville. La ville ancienne inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO est ainsi protégée des velléités des promoteurs peu scrupuleux. Son urbanisme se compose de bâtiments d’un étage conçu avec un style d’architecture néocoloniale. L’affichage y est règlementé. On ressent immédiatement le côté paisible d’une ville de province lovée sur une presqu’île, au confluent de la Nam Khan et du Mékong. Autrefois capitale du Laos, elle est arborée, verte et fleurie. La circulation y est calme et de faible densité.

Elle est désormais devenue la capitale d’un tourisme de masse, moteur économique essentiel au pays.

Durant mon séjour j’effectuerai 4 visites. D’abord la découverte d’une extraordinaire cascade en étages au cœur de la forêt tropicale, à 20 km de la ville. Puis une balade sur le Mékong pour découvrir le peuple du fleuve, les petits villages riverains avec artisanat, bouilleurs de cru à partir d’une mélasse de riz, pêcheurs, agriculteurs ainsi qu’un temple troglodyte. Enfin la montée du mont Phousi et son temple le Wat That Mak qui domine la vielle ville.

L’ancien palais royal, transformé en musée national fut également une incontournable et très intéressante découverte.

Vientiane la paisible

De retour à Vientiane je pris le temps de bien préparer mon carton vélo en le renforçant et en y logeant sans dépasser le poids souhaité mes effets de cycliste inutiles maintenant. Puis là aussi je me préparai un programme de visites pour cette ville qui ressemble plus à une ville de province si ce n’est la présence sur de belles avenues des ministères et administrations Laotiennes ainsi que différentes ambassades comme celle de France dont le mur d’enceinte sert d’exposition à plus de 100 photos 3mx2m représentant des cartes postales de nos plus beaux lieux nationaux.

Je quitterai l’agglomération en bus pour visiter à 30km le Bouddha Parc sur les rives sud Est du Mékong, un lieu de tranquillité et d’apaisement. Je visiterai aussi les temples, on en dénombre plus de 10 en centre ville. Ils apportent en plus de leur aire de méditation, des espaces végétalisés et calmes. Je visiterai également les deux musées du centre ville notamment le Wat Sisaket, devenu musée national, mais je n’y trouverai qu’un intérêt relatif, les Siamois ayant tout détruit lors de leur incursion barbare au XIXème siècle. L’arc de triomphe, le Patuxai, aux 4 arches qui élève majestueusement ses 28m au milieu de larges avenues n’est pas sans rappeler la place de l’étoile à Paris. Bâti pour honorer les combattants laotiens des différentes guerres, on accède à sa terrasse qui surplombe sur sa face nord des bassins animés par des jeux d’eau en son et lumières. Plus « routard » a été ma visite du Kua Din Market. Ce marché, qui sera reconstruit dans un large espace derrière la station centrale des bus, me rappelle les marchés marocains de l’Atlas. Terre poussiéreuse au sol, pas de frigos, étals en tubes, toiles plastiques et planches de récupération, voilà pour le décor. Pour les légumes, pas de problème, les maraîchers viennent y vendre des produits de qualité. En ce qui concerne la viande et les poissons, il ne faut pas redouter d’affronter une hygiène sanitaire indice 0. Le marché de nuit est quant à lui implanté le long des rives sud du Mékong. J’irai y faire un tour avant de quitter cette ville qui m’a finalement plu pour sa dimension humaine propice à une vie paisible, ce qui, pour une capitale, est rarissime dans le monde entier.

Le nouvel an Bouddhiste

Les fêtes du nouvel an Bouddhiste sont l’occasion pour le peuple Laotien tout entier de laisser éclater sa joie et d’oublier son quotidien de labeur. C’est aussi l’occasion de resserrer les liens entre les membres des familles et leurs amis. On assiste alors à un ballet tournant ininterrompu, à partir du 13 avril au calendrier astrologique du soleil, , durant 5 jours, de SUV avec plate forme arrière découverte, chargés de 5 à 10 personnes, de piscines gonflables ou de bassines remplies d’eau, dans les rues des villes. A des postes fixes, carrefours, restaurants, places stratégiques, ces véhicules, motos ou piétons sont attendus par des jets d’eau, des casseroles, des cuvettes et se font inonder copieusement. C’est l’opération qui symbolise la purification par l’eau. Elle débute dans les temples parés de décors festifs, sur les différentes statues. Tout le monde participe : jeunes enfants, ados, qui sont les moteurs, mais aussi adultes qui retombent en enfance, c’est une vraie et authentique folie bon enfant.

Parallèlement un vaste programme festif est organisé par les associations et les villes avec : restaurants de rue à toute heure du jour et de la nuit, sono et écrans géants animés par des DJ où l’on danse tard, très tard, défilés traditionnels de chars retraçant l’histoire et le savoir faire du peuple, vastes marchés où l’on trouve de tout, de petits oiseaux en gages de bambous, tissus, habits, vaisselle, décorations. Le tout se déroule dans la joie et la bonne humeur générale.

C’est le rare moment dans l’année où presque tous les magasins sont fermés et où l’économie marque une pose de fonctionnement.

Conclusion

Le lendemain de ces fêtes la ville semble vide, comme désertée par ses habitants. Les touristes repartent, les hôtels se vident, le cours des choses reprend doucement. Mon jour de départ s’avance, je vais quitter cette Asie que j’aime par sa beauté, sa diversité, ses traditions, son élan économique et sa farouche volonté de vivre avec fierté la recherche du bonheur. Il me reste moi aussi à faire un bilan de ce voyage plein de couleurs, de parfums, de sons, de saveurs et de rires et quelques larmes…

Ce sera ma dernière histoire sur cette Indochine qui nous émerveille encore, 70 ans après Dien Bien Phu…