You are currently viewing Du routard au palace

Du routard au palace

Surprises sur prises

Je quitte Cam Duc, sa « Golden Bay » abîmée par la construction de centaines de logements empilés et concentrés dans de grands bâtiments qui dénaturent complètement cette plage magnifique, on ne sait pour qui même si on soupçonne pourquoi! Je ne vérifie pas ma direction puisque je suis sur une route qui ressemble à si méprendre à la AH1, la nationale qui relie Saïgon à Hanoï.

Ce n’est que 10km plus loin que je soupçonne une légère erreur car je n’ai plus de bande réservée aux deux roues. En fait, j’ai pris la route côtière qui ressemble comme deux gouttes d’eau à la nationale, alors que je pensais que ce serait une petite route. Après avoir hésité, finalement j’ai poursuivi mon chemin et j’ai bien fait ! D’une part parce que je suis sorti d’une monotonie asphyxiante en retrouvant avec plaisir quelques bosses de rochers côtiers et surtout parce que cela m’a permis de découvrir Nha Trang que j’allais éviter si j’avais maintenu ma première intention.

Nha Trang est une petite ville côtière du centre du Vietnam où un français, le Docteur Yersin, s’illustra. Il reste d’ailleurs l’un de nos compatriotes vénéré du peuple vietnamien pour sa découverte du bacille de la peste bubonique et la création d’une antenne de l’institut Pasteur en 1895. Aujourd’hui cette ville ne cesse de croître, son rivage sur la mer du Tonkin étant particulièrement prisé par de riches Russes. C’est même devenu un petit Cannes tant les palaces s’y multiplient. Moi, j’ai bien aimé son arborisation urbaine généreuse qui confère à ses artères une ombre apaisante et rafraichissante.

Hélas, ce mirage prend fin, car ce n’était qu’une étape de mi-parcours. Je m’étais fixé d’atteindre Ninh Hoa au bout de 86km. Là changement de décor : on revient à la bourgade vietnamienne laborieuse de petits commerces alignés le long de la route principale. J’y trouve néanmoins le repos nécessaire dans une chambre standard à un prix défiant toute concurrence de 8€ (200000D).

Je me prépare le lendemain à approcher les 100km -mon compteur vélo m’en comptabilisera 96km jusqu’à Tuy Hoa-, d’autant qu’un tunnel de 8km interdit aux deux roues me renvoie sur la côte montagneuse. Là encore surprise ! Alors que je n’avais rencontré aucun « cycle-packers», autrement dit routard à vélo, je rencontre successivement au sommet des bosses, l’équivalent du petit col de la Croix des Gardes au dessus de Saint Babel particulièrement prisé par quelques copains de l’USAM vélo, un Anglais qui se rend à Chau Doc puis Phnom Penh d’où je viens ainsi que deux vietnamiens et deux Coréens -pas la peine de préciser du Sud-. Toutes ces rencontres donnent lieu à des échanges de renseignements utiles à nos destinations respectives, sans faux semblant, avec la franche camaraderie et la véracité que défère la route.

L’arrivée à Tuy Hoa par un pont de 3km qui enjambe l’embouchure du fleuve est magistrale. Elle me donne l’impression d’arriver dans une énorme ville, desservie par de larges avenues, bâtie sur une baie de 8km de sable blond. Il n’en ai rien et sa visite me fera découvrir dans le détail un habitat de mixité sociale. L’agglomération a conservé les vieux quartiers d’habitations des pêcheurs dont le labyrinthe des ruelles aboutit sur un petit port. Ils sont le prélude au bord du fleuve des beaux quartiers qui longent l’axe principal de la ville où un parc urbain a été aménagé autour d’un espace aquatique artificiel. Quant au bord de mer, il a été réquisitionné par une zone hôtelière où les palaces se taillent une part paradisiaque. C’est une ville à taille humaine et je décide de profiter de cette proximité à bas coût en restant un jour sur place.

Cette parenthèse me proposera plusieurs rencontres. Lors du partage de moments de repas dans la rue, j’échangerai notamment avec un collectif d’institutrices de l’école primaire publique locale.

Au bout d’une promenade pédestre ombragée de 2km le long du rivage qui n’a rien à envier à bon nombre de nos bords de mer par la qualité de sa réalisation, j’irai découvrir les tours jumelles en granit le Nghinh Phong  littéralement le « vent accueillant ». Cette œuvre monumentale a été consacrée par le prix du paysage asiatique urbain décerné à Pusan, Corée du Sud en 2023. Elle a été inspirée par la côte de granit locale et la légende de deux royaux époux qui donnèrent naissance à 100 enfants. Séparés ils conservèrent chacun 50 enfants symbolisés par 50 blocs de granit à leur pied. Cette histoire est gravée sur les faces internes des tours. Il se dit que le vent fait naitre dans cet étroit couloir la musique qui raconte cette légende. Là aussi je rencontrerai beaucoup de groupes et de familles qui viennent se faire prendre en photo, façon « Bon enfant ». La nuit, des effets de lumières donnent au granit une autre dimension faisant jaillir de la pierre le feu, la glace ou un arc en ciel de couleurs.

Au-delà de la création et des clichés économiques, le Vietnam moderne repose encore sur l’énergique interdépendance de toute sa société. Chacun a besoin de l’autre pour vivre, les agriculteurs du tourisme, les pêcheurs des restaurants, les petits métiers de la grande industrie et le peuple de ses commerces.

Tout le monde avance dans la même direction ce qui a rendu l’effort collectif incroyablement efficace et spectaculaire pour le développement du pays depuis 30 années, presque discrètement.

Demain je reprends ma route vers Hué par Bon Son, Quàng Ngài, Tam Ky et Da Nang.

Départ 7h, mais c’est une autre histoire…