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Lac de Te Anau

De Hawea à Te Anau

Des repos bien utiles

Pour tous les types de voyages, les étapes de repos sont indispensables. Elles sont une respiration, une ponctuation qui met en exergue ce que l’on a accumulé au fil des kilomètres.

Elles peuvent ne pas être programmées de façon systématique et s’avérer opportunes pour coïncider utilement à satisfaire sa curiosité. Je m’en voudrai toujours, lors de mon voyage à Beijing en 2008, de ne pas avoir laissé mon vélo à Tachkent pour aller visiter avec les transports locaux Samarcande, ville historique de la route de la soie, située à 4h de route de la capitale.

Mettre les i sur les points

Si l’organisme a également besoin de récupération, c’est une évidence, c’est aussi le moment de faire le point sur le matériel, les besoins annexes, d’établir un premier bilan du voyage et peut être de réorienter son parcours à venir. Grâce à la bienveillance de Wim et Cat le séjour à Hawea fut en tous points parfait.

Redistribuer les cartes

Cela commence par prendre un peu de temps pour reconsidérer les cartes routières en y ajoutant les cartes locales, les conseils glanés au hasard des rencontres, ou par la lecture des points d’informations, les panneaux sont nombreux en Nouvelle Zélande tout au long des routes. Les cartes tracent le chemin. Elles sont la porte ouverte aux rêves qu’elles concrétisent avec leurs repères géographiques et logistiques.

Je quitte, non sans émotion, Wim et Cat lors d’une cérémonie de départ face au lac d’Hawea, avec un verre d’un excellent vin blanc local, cépage Sauvgnon et BBC. Je vais finalement rejoindre Te Anau, petite bourgade du lac éponyme, non prévue sur mon itinéraire initial, en passant par la piste vélo qui longe l’Hawea river jusqu’à Wanaka, un enchantement. Puis j’atteindrai Arrowstown, visite non prévue également, merci Georges, charmant village de pionniers restauré façon far west et au final le lendemain Queenstown, un des totems essentiels du voyage. Curieusement je ne m’y attarderai pas compte tenu de l’affluence internationale et des prix pratiqués dans cette station touristique toutes saisons. Il en sera de même pour Florence et Jean Marc, cyclistes Bordelais planétaires, rencontrés à plusieurs reprises sur la route, que je retrouve au campground de Queestown oü nous avons partagé un emplacement négocié pour nos tentes.

Gravel de rêve

Sur les conseils de Wim, qui m’en estime capable, nous avons usé ensemble nos pneus sur les 1000km de la Carretera Austral au Chili, je traverse le lac avec le Earnslaw, bateau à vapeur lancé en 1912. Sous le mince rideau d’une pluie fine qui se lève bientôt pour l’entrée en scène d’un beau soleil d’été, j’emprunte les 125 km, dont 85 km de piste en gravel, qui vont me conduire en un jour et demi à Te Anau.

Quelle merveille d’être terrien et pouvoir profiter de ces paysages à couper le souffle. Ma route se faufile, monte, descend, serpente pour disparaître et ressurgir à l’horizon dans l’immensité du berceau des vallées glaciaires. Les rivières s’attardent, s’épanchent, flânent dans leurs lits de galets. Le ciel, d’un bleu pur azur, s’offre le luxe de s’ourler de nuages de ouate épaisse. Les montagnes mordorées mélangent dans un harmonieux dénivelé, collines, volcans et pics de la chaîne de l’Eyre, du parc national des Fiordlands du Southland d’Aerotearoa.

On en oublie le gravel, les pneus de route trop minces, la charge trop lourde, les bras qui vibrent sur les graviers 7h durant. Personne pour s’épancher sur ce mélange de dureté et de sublime beauté. Juste le crissement des pneus qui souffrent. Je croiserai dans ma journée trois voitures de fermiers et un quad garni de chiens pour rassembler le « stock », troupeau de moutons. Aussi qu’elle ne fut pas ma surprise, à la fin interminable du track, de voir s’avancer au loin la silhouette d’un “backpaker”, un randonneur solitaire. Je le mets immédiatement au rang d’honneur. Paul est Corse et avance d’un bon pas sur cette route de plénitude. Je lui donne ma considération, mon admiration et une bonne nouvelle: il est à 2km exactement de son camping prévu au lac Mavora dont j’avais relevé la position kilométrique!

Il y a eu le feu aux lacs

C’est ici que la petite histoire rejoint la grande. C’est autour de ces deux lacs, si inaccessibles à l’époque, que vécurent de nombreux déserteurs ou objecteurs de conscience mobilisés pour venir faire la guerre de 14/18 en France. Après guerre ils furent poursuivis, mis au banc de la société Neo-Zelandaise, déchus de leurs droits civiques et interdits de travail dans toutes les administrations publiques du pays plus de 10 ans, mais vivants! 120000 “Kiwis” ont été engagés dans le conflit de la première guerre mondiale. 18500 sont morts en service actif.

Voilà, la route du voyageur vélo est remplie à en déborder de ces splendeurs que nous offre la planète, de ces voyages retour dans l’Histoire et de ces petits riens, un sourire, quelques mots de partage qui viennent réhumaniser et enchanter ces moments de solitude.

Le mien se terminera en camping sauvage quelque part, à 40km de Te Anau que je rejoindrai le lendemain matin, me laissant le temps de me préparer à trois excursions exceptionnelles.

Mais c’est une autre histoire…