
Vamos à Cuba !
Une furieuse envie « d’ailleurs », un vélo raccroché au clou, des photos de La Havane et un coup de cœur pour Cuba de Virginie ma fille, il ne m’en a pas fallu davantage pour partir à Cuba. « Aller voir » ce n’est pas forcément collectionner les pays et accumuler des images dans une galerie.
C’est avant tout se laisser surprendre, se lancer sur des routes dont on ne sait pas toujours où elles conduisent. C’est remplir tous nos sens « du beau » que nous offre ce monde, laisser pénétrer en nous la vie qu’il génère, bonne ou mauvaise, pour la partager sans retenue car ce monde nous appartient et nous en faisons intimement partie.
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Un peu d’histoire
C’est Christophe Colomb qui découvre Cuba en 1492. Les voiles de ses trois caravelles gonflées par les alizés le débarquent à l’extrême pointe orientale de l’île, 3 mois plus tard, alors qu’il pensait arriver en Chine. Le port de Baracoa y sera fondé en 1511. La première ville ainsi créée servira de relais aux conquistadors de Cortès. Ils y feront halte sur la route maritime du Pérou et de l’or des Incas.
La conquête espagnole s’étalera sur 8 années de 1510 à 1518 avec le génocide des peuples premiers. Débute alors dès 1513 l’arrivée d’esclaves venus d’Afrique pour un repeuplement asservi à l’économie agraire du pays. C’est en 1607 que le port de La Havane devient la capitale de l’île.
Les guerres d’indépendance dureront 30 années de 1868 à 1898. L’esclavagisme s’intensifie durant l’occupation espagnole, le nombre des asservis atteignant jusqu’à 50 % de la population. Une première tentative d’indépendance échouera. Avec l’abolition effective de l’esclavage en 1886 et sous l’impulsion de José Marti et Maximo Gomez en 1895, une 2ème guerre d’indépendance activement soutenue par les États Unis aboutira à la victoire du soulèvement.
Dès lors, Cuba va devenir durant le temps de la prohibition américaine, le haut lieu du plaisir sexuel, des jeux et de la corruption sous le parrainage actif de la mafia. Fulgencio Batista, colonel ambitieux,
prend alors le pouvoir de 1930 à 1958, soutenu par les « parrains » américains.
C’est en janvier 1959 que Fidel Castro, jeune avocat, prend la tête d’un mouvement politique qui se revendique révolutionnaire et entre dans La Havane en vainqueur. Auto-proclamé à la tête du pays, il mettra alors en place un régime dictatorial à connotation sociale. La 1ère réforme agraire sera conduite dès mai 1959. Elle permettra la distribution de terres aux paysans locaux en expropriant les
grands propriétaires terriens. Assisté de son frère Raoul et de Ché Guevara, il conduira des réformes concernant l’éducation réussissant à quasi éradiquer l’analphabétisme. La santé gratuite pour tous permet également d’atteindre le plus bas niveau de mortalité infantile des Caraïbes.
Avec le soutien de l’URSS cette période parait aujourd’hui un temps de vie favorable à la population, même si une chasse aux sorcières dans les différents secteurs gouvernementaux du pays déclenche une forte immigration vers les USA.
Plusieurs épisodes de crises internationales suivront. En Avril 1961 c’est le débarquement (attendu…!) de mercen
aires entraînés par la CIA et les Marines dans la baie des cochons, à Playa Giron, péninsule de Zapata. Ils sont refoulés par Castro et ses 20000 « révolutionnaires » engagés. Leur victoire viendra conforter l’indépendance de Cuba dans le cadre politique international et installer Castro comme le leader des pays non alignés.
Autre feuilleton épique : la crise des fusées à courte et longue portée nucléaire. Khrouchtchev, alors Premier Secrétaire du parti communiste de l’URSS, avait projeté d’installer à Cuba des rampes de lancement. Les États Unis se sentant directement menacés, Kennedy mit un terme à cet épisode en imposant le blocus naval de l’île. Le monde à tremblé, mais les fusées furent renvoyées chez leur propriétaire sans tenir compte de l’avis de Fidel…
Depuis les réformes se succèdent accordant davantage de liberté d’entreprise au peuple Cubain, notamment pour encourager le tourisme dont les devises se substituent désormais aux ressources traditionnelles agricoles cubaines déclinantes, telles que la canne à sucre et le tabac. La liberté d’expression politique reste néanmoins sous étroite surveillance et les communications modernes d’accès technique peu favorisé par les coupures impromptues d’électricité.
C’est dans ce monde que je vais rouler avec mes sacs, un monde qui ressemble à celui des années 50, avec ses chevaux, ses contraintes matérielles de transports et de communications mais aussi son inventivité sans limite et son humanité présente dans chacune des 16 Provinces de l’île qui regroupent un peu plus de 11 millions d’habitants. « Le sucre est blanc, brun ou noir, ainsi est la population de Cuba ». C’est par cette métaphore que l’écrivain Pablo Armando Fernandez qualifiait la population Cubaine issue de ses multiples métissages.
La Havana du 19 au 21 janvier 2025. Bienvenue dans les « Sixties » !
J’arrive le 19 janvier 2025 à l’aéroport José Marti de La Havane après avoir récupéré mon vélo et mes sacoches. Un taxi me conduit à « l’hostal Mango » ou Carlos et Anelis mes hôtes m’attendent, Virginie m’ayant réservé un lit pour 3 nuitées. Je n’insisterai sans doute jamais assez sur ce premier contact dans un pays inconnu. Il est déterminant pour une mise en situation sereine avant d’entreprendre un périple en solitaire. C’est le cas cette fois encore où un support en matière plastique qui maintient le garde-boue arrière sous la selle s’est rompue durant le transport. Franck, assistant tout terrain de l’hostal, entre alors en piste. Sans un mot il est venu, il a vu et il a réalisé un chef d’œuvre d’art usuel en aluminium, mieux que la pièce originelle ! Principe numéro 1 à Cuba : quand on n’a pas ce qu’il faut, on le fabrique !
Vélo remonté, c’est donc avec l’esprit léger, appareil photo en main que j’arpente les rues de « Havana Vieja». Je marche dans les années 50. Les rues et boulevards sont un véritable musée à ciel ouvert où de belles américaines exhibent leurs chromes sur de rutilantes peintures acidulées, édulcorées par la douceur de leurs courbes arrondies. C’est tout simplement magnifique ! Une bruine étouffe la ville sous ses nuages gris. Mais je suis heureux, le nez en l’air mon regard se perd en suivant les lignes de l’architecture hispano-coloniale. Le beau, parfois en cours de rénovation, côtoie les cadavres de murs délabrés. Il est indéniable que l’argent manque à cette ville malgré les divers classements à l’Unesco de ses immeubles des années 1920. J’irai le lendemain en bus découvrir le cimetière de Colon situé à quelques kilomètres à l’ouest de la ville. L’expérience sera enrichissante : pas d’affichage de l’arrêt pour les différentes lignes urbaines. Seul l’usage valide son emplacement sur le trottoir. Pas de queue non plus et la personne qui arrive lance en l’air : « Quien es l’ultimo ? », quel est le dernier (sous entendu arrivé) d’une queue non formée…Puis le bus de la ligne entre en scène. Une file sortie de nulle part se constitue immédiatement avec le dernier client arrivé. Si tous rentrent dans le bus, c’est tant mieux. Si ça ne rentre pas et bien ce sera pour le prochain si celui-ci n’est pas déjà complet. Ainsi va la vie des cubains au rythme imposé des transports publics aléatoires ! La richesse des marbres éclatants de blanc du cimetière historique de la Havane chassera mes noires pensées…
22 Janvier La Havana-Mariel 67 km
Le 22 janvier au matin, chevauchant mon fidèle destrier chargé de 3 sacs, je reçois mon baptême de la route cubaine. D’abord en me perdant dans le dédale des carrés urbains de La Havana, puis sur la petite route côtière délibérément choisie pour me conduire à terme à Vinalès distante de 205km par l’autopista. Mes étapes ignorées seront déterminées par mes choix d’hébergements. Il pleut doucement, comme si les nuages soupiraient de tristesse, noyant le paysage industriel de l’ouest du port dans le gris du ciel. Nous sommes bien loin des clichés des plages de rêve ! Pour l’heure mon seul souci reste de zigzaguer le mieux possible entre les trous à touche-touche de la route, au risque d’y laisser des rayons, voir une jante.
Finalement j’atteindrai à la vitesse de 10km/heure le port de Mariel, 67 km plus loin. Mes bras et mon torse sont rompus par les interminables secousses. Finalement je serai heureux de trouver refuge chez l’habitant dans ce qui est autorisé ici et placé sous contrôle fiscal : « une casa particular », une maison d’hôtes. L’habitation dévolue à la location journalière comprend réglementairement une chambre et une salle de bain d’accès individualisé. Une maison peut louer jusqu’à 5 chambres. Un relevé des locations consigné sur un registre, permet aux services fiscaux le prélèvement d’un impôt calculé au pourcentage des revenus contresignés.
23 Janvier Mariel-Bahia Hondas 50 km
Le lendemain, la deuxième étape ne sera que le « copié collé » de la première. J’échoue au bord des flaques d’eau boueuse, brisé à nouveau en mille morceaux, sous une pluie fine mais constante, dans une petite localité côtière, Bahia Honda. Impossible de rouler sans risquer de se planter dans un trou qui guette et happe sournoisement tout ce qui roule dans cet univers d’après bombardement ! Là encore pas d’indication, ni pour la route, ni pour l’hébergement ! Le questionnement des vélos taxis devient la solution judicieuse pour se loger. J’arrache ce jour là 60Km à l’enfer routier Cubain.
24 Janvier Bahia Hondas- La Palma 53 km
La troisième étape deviendra un cauchemar. La météo s’améliore mais pas la route. Elle alterne ses lambeaux d’asphalte acceptables comme pour mieux capter le cycliste dans ses nombreux autres pièges. J’arrive finalement à La Palma, une petite bourgade agricole dans cette région vallonnée de collines où l’on travaille la terre pour la plantation du tabac, prince des champs. Je suis abordé dans le village par un jeune dynamique et enthousiaste, prêt à soulever des montagnes pour rendre mon voyage Cubain agréable. Ayant résidé en France du côté d’Arcachon, il poursuit des études à Bordeaux. Successivement il résout mon problème de logement chez des amis, un repas, – tiens un peu cher pour la bourgade, 1er accro, – un change intéressant, – au prix du marché noir -, soit 340 Pesos cubains pour 1 Euro. Là, 2ème accro plus sérieux. En recomptant il me manque 2800 Pesos. Il avoue finalement avoir acheté un poulet pour nourrir sa famille avec ce qu’il justifie comme une petite commission de change. 3€ ce n’est pas grand-chose. Toutefois je lui explique qu’en sollicitant mon accord il serait parvenu au même résultat. Comme pour se faire pardonner et pour résoudre les connections de ma messagerie Gmail avec mon Iphone, il me conduit dans l’officine gouvernementale d’Etecsa, où la fonctionnaire de ses connaissances peut apporter une solution. Malgré les tentatives ayant nécessité à plusieurs reprises le déblocage de mon appareil avec le code, c’est un échec. Pas pour tout le monde car sur le chemin du retour je cherche en vain mon téléphone et là, patatras, la tuile. Il dit me l’avoir remis. L’arnaque est totale, c’est parole contre parole dans les locaux de la police dont j’ai demandé l’intervention. Au-delà de l’enquête et de la journée perdue en compagnie d’un juge et d’une avocate commise d’office, je me retrouve sans aucun contact ni applications de navigation.
Seule solution, l’obligation de racheter un portable à bas coût pour pouvoir poursuivre l’aventure. J’accuse le coup. Je me reproche ma naïveté sans égal d’autant que je n’ignore pas que ce genre d’incident peut être communément associé au voyage vélo en solitaire. Sur ce coup, La Palma n’a pas été pour moi. à la sortie de La Palma, je suis invité à visiter un élevage de coqs de combat. Cette activité illégale est une passion pour mon logeur mais aussi un moyen de rémunération fortement rémunérateur avec le commerce de l’élevage et surtout des paris recueillis lors des combats…
26 Janvier La Palma- Vinalès 71 km dont 40 km sur place
La route s’embellit et la météo également. Cette fois je peux écrire que je roule en moyenne montagne dans cette Région de l’ouest de l’île à la géologie primaire. Les collines et la lumière tamisée par les bois qui bordent la route ajoutent de la douceur. Les paysages entrecoupés par la culture du tabac prennent les couleurs d’une aquarelle grandeur nature dans des nuances de vert, de marron, d’ocre et de jaune paille. Le tout est peint sur une toile de fond de ciel bleu parsemé de cumulus de ouate blanche. Je croise dans cette campagne de modestes fermes où les animaux eux- mêmes semblent endormis dans la quiétude ambiante. Bientôt se profile l’alignement des maisons basses de la rue principale de Vinalès. Je m’apprête à faire connaissance avec Ernesto et China, couple de logeurs dont l’habitation se situe sur les hauteurs de la ville, face à la cordillère de Guaniguanico recouverte d’une épaisse forêt tropicale. Ernesto est le genre de bonne personne, réfléchie, pratique par passion plus que par obligation. China est son parfait complément avec un caractère enjoué, optimiste et de bon service. Je ne prendrai que quelques exemples pour illustrer la gentillesse et l’accueil de mes hôtes : le service de petits déjeuners soignés et délicieux ; la réparation sans rien me dire de la patte de fixation de mon garde-boue avant. Par ailleurs, tous les deux illustrent parfaitement
la débrouillardise permanente et obligatoire de la survie du peuple cubain. Ernesto, transformé en fermier urbain, élève une petite basse-cour dans les champs qui jouxtent l’habitation. Et c’est ainsi que chaque jour, à la même heure, dans un cérémonial immuable, poules et cochons attendent patiemment regroupés devant la maison, la main nourricière qui assure une partie des revenus de la famille. Je vais passer trois jours à Vinalès qui vont me faire oublier mes déboires à La Palma. Au cours de mon bref séjour, je visiterai la « cava de l’Indian » dont le parcours souterrain n’est pas sans me rappeler un petit Padirac de labyrinthes souterrains calcaires.
28 Janvier Cayo Jutias 120 km en « Collectivo »
Ramon me conduit avec son «Collectivo», une brave voiture des années 50, à la découverte du «Cayo Jutias», à l’extrême pointe du lagon, au bout d’une nature sauvage qui enserre la presqu’île à 60km de Vinalès. Paysage de rêve, sable blanc, cocotiers penchés sur vos éventuels problèmes et pour ajouter du local au local, langoustes grillées sur barbecue, accompagnées de leur cocktail mojito. Les jours se suivent, mais heureusement ne se ressemblent pas forcément !
29 Janvier Vinalès-Pinar Del Rio 32 km
Je quitte Ernesto et China pour la route de Pinar del Rio, capitale mondiale du cigare Havane de grand cru. Je crois que l’on peut utiliser le vocable des grands vins pour cet élément emblématique de la culture cubaine. En effet, le terroir, la récolte et la longue maturation des feuilles pour déterminer leur utilisation en fonction des qualités respectives déterminent leur « cépage » en quelque sorte ! Je visiterai d’ailleurs l’une des grandes manufactures de cigares de l’île. Les gestes sont simples, rapides mais précis, soignés et obéissent à un savoir-faire ancestral qui s’enseigne encore au cours de 3 ou 4 années d’apprentissage d’une grande rigueur.
30 Janvier Pinar Del Rio-Artemisa 124 km
Je quitterai cette ville pour remonter vers la Havana avec un bus Viasul, compagnie réservée aux touristes et de rares locaux. Le bus me laissera comme convenu en bord d’autoroute à 15 km d’Artemisa. Cette cité a été plantée d’HLM standard des années soviétiques pour loger les nombreux ouvriers employés dans cette région agricole située à 70 km environ sous la Havana. Pour ma part, je logerai dans le fond d’un garage aménagé en «casa» particular » improvisée mais correcte. La débrouillardise n’a pas de limite dès qu’elle permet la survie et pour moi le repos avant deux longues étapes vers le centre sud de l’île.
31 Janvier Artemisa-Guïnes 99 km
Le prochain parcours est en effet une transition vers une petite ville des champs en bordure de « l’autopista nationale », Guïnes, à 98 km. Je vais cette fois me balader dans la campagne des grandes plantations gouvernementales, ou coopératives sous contrôle d’État. Les plantations de bananiers succèdent à celles de cannes à sucre ou de maraîchages. La terre s’y prête bien, la géographie est plate, les routes tortueuses, roulables, mais non renseignées. Sans GPS j’y serai encore ! La campagne est agréable, tranquille, sans élevage, mis à part quelques poulets sur les bas-côtés des villages. Chacun fait ce qu’il a à faire et n’en a cure de me voir passer avec mon équipement d’aventurier routier, tant que le ciel ne leur tombe pas sur la tête !
1 février Guïnes-Jagüey La Grande 111km
Cette fois je choisis de prendre l’autopista nationale pour rejoindre ma prochaine étape vers le sud, Jagüey La Grande, distante de 109 km. J’avais déjà eu une petite expérience d’autoroute à vélo en Nouvelle Zélande pour le moins stressante. Là, pas de soucis, on est tout de suite mis à l’aise avec des voitures à chevaux en contre-sens, ou autres arrivées impromptues de motos par des chemins ruraux.
Mais c’est ennuyeux, très ennuyeux… Quelques cafétérias locales se sont néanmoins implantées espérant une clientèle malgré la faible circulation. Je m’y arrête pour rompre la monotonie du roulage et rencontre des familles isolées en quête de clients et de conversations. Des cars scolaires passent pour conduire les enfants dans les écoles de campagne. La vie avance toutefois au ralenti, marquée par des déserts médicaux dépourvus de médicaments mais avec une éducation, solide pilier du régime, toujours présente. Autre signe des temps, je serai accueilli à Jagüey chez un couple de femmes enseignantes universitaires. Désormais depuis 2022, le code de la famille a évolué et Cuba autorise désormais le mariage et l’adoption des couples de même sexe, après avoir pourchassé et maltraité toutes les différences sexuelles durant de nombreuses années.
2 février Jagüey La Grande-Playa Giron 64 km
Je quitte l’expérience « autopista » pour prendre à nouveau des chemins de campagne vers la mer et les plages de la célèbre Baie des Cochons de la presqu’île de Zapata. C’est ici qu’en avril 1961, une armée de mercenaires, entraînés par la CIA, mandatés par les États Unis, avait tenté de renverser le gouvernement de Fidel Castro en débarquant dans cet endroit boisé et marécageux. Finalement, Castro, qui avait bénéficié de renseignements et mobilisé ses révolutionnaires, refoula les assaillants. De nombreuses tombes dédiées aux « martyrs de la révolution » marquent la route et un affichage à la gloire de cette victoire historique accompagne le voyageur qui ne peut ignorer la grandeur de la politique cubaine dont la devise du pays tient en 3 mots : « Patria o muerte ».
Délaissant Playa Larga au profit de Playa Giron, je visite au passage la ferme des crocodiles, espèce endémique autrefois menacée de disparition. Le crocodile cubain, proche du Caïman, retrouve à nouveau l’habitat naturel des marais de Zapata, grâce à une reproduction contrôlée par cet établissement d’État.
4 Février Playa Giron-Cienfuegos 128 km dont 50 km sur place
Je resterai 2 nuits à Playa Giron et surtout je m’offrirai 3 journées d’une plage dont j’ai apprécié l’isolement touristique, la splendeur sauvage et l’aménagement local sommaire, mais suffisant, au grand dam des langoustes. 78 km me séparent de Cienfuegos. La route qui longe la côte est tranquille et ombragée par la végétation de la mangrove toute proche. Deux bosses, courtes mais pentues, montent la garde au milieu du trajet. Elles sont avalées presque avec joie tant la platitude de l’île et les longues lignes droites finissent par engendrer la mélancolie. La ville est discrètement logée au fond d’une large baie fermée par un étroit chenal naturel à Punta de Jagua.
Un « castillo », une citadelle, construite par les espagnols en 1745 en protégeait l’intrusion des navires pirates. La ville possède une architecture coloniale remarquable dont le joyau se situe en son cœur, la place José Marti, classée au patrimoine mondial de l’humanité. J’y resterai 3 jours et je ferai la connaissance de Pedro et Tita, de belles personnes, membres du réseau des « casas particular », chambres d’hôtes, créé par Carlos de la Havana.
Pas encore lassé par mon vélo, je l’utiliserai à nouveau, faute de « taxis collectivos » à disposition et à prix abordables, pour visiter l’immense réserve naturelle de Guanaroca. Cette lagune de faible profondeur, posée en verrue sur la baie de Cienfuegos, accueille des flamands des caraïbes, colonies de Flamands roses de Cuba, une grande partie de l’année. Je pousserai ensuite le plaisir jusqu’à « Playa de la Luna », pour sa plage et la surprise d’un poisson délicieusement grillé par un cuisinier autochtone en mal de clientèle. Enfin, poussé par des habitants enthousiastes je me rendrai jusqu’à la citadelle de Punta Gorda sans toutefois franchir le chenal en bateau à rames comme le proposent des jeunes en quête de quelques Pesos ! Un bel après-midi salué par mon compteur avec un bon 50km pour couronner le tout…
7 février Cienfuegos-Yaguanabo 58 km
Je quitte Cienfuegos pour Trinidad distante de 80km environ. Sur le conseils de Pedro, je ferai halte pour la nuit dans une petite crique splendide, Yaguanabo. Son conseil était judicieux, tant pour la beauté du site que pour l’effort contre un vent violent de face qui m’a plié en deux. Je me rétablirai rapidement au bord de la piscine de l’hôtel gouvernemental qui gère une clientèle… de deux familles ! Calme et repos, c’est parfait, au lit à 7h30, sans électricité, c’est le régime ascète pour cette localité. Le lendemain les 25km restants furent pure formalité, le vent ayant faibli quelque peu.
8 février Yaguanabo-Trinidad 63 km dont 26 km sur place
Une belle surprise m’attendait dans cette ville. Elle a pour nom Juanita, une arrière grand-mère de mon âge d’une énergie et d’une modernité incroyables ! Je suis heureux d’avoir fait sa rencontre car avec elle, comme avec tous les membres du circuit, il n’y a eu aucune difficulté. Sans un bruit, sans
une quelconque remarque, Juanita solutionne toutes mes requêtes. Je veux changer des Euros, Juanita fait venir chez elle un agent de change au noir dans les 10 minutes suivantes. Je veux aller visiter une cascade en calèche, Juanita fixe le rendez-vous le retour et marchande le prix. Par ailleurs elle n’arrête pas de travailler du matin 7h00 pour le service du « desayuno », petit-déjeuner, jusqu’au soir 23h00 pour la préparation des crêpes de celui du lendemain, gestion impérative des coupures de courant oblige !
Juanita fait partie de ces femmes que j’ai rencontrées au cours de mes voyages, telle Epiphania de l’île d’Armentani sur le lac Titicaca, qui subissent les difficultés d’une vie austère mais qui ont décidé de les affronter, faisant de leur quotidien un véritable sacerdoce, notamment dans l’éducation de leurs enfants, petits-enfants et quelquefois arrières petits-enfants, comme avec la petite dernière Salomé… J’ai pu me livrer à une visite approfondie de cette petite ville au patrimoine architectural hispano colonial remarquable et retrouver un jeune couple de Taïwanais déjà aperçu à plusieurs reprises depuis la visite des « Flamigos », d’abord sur la plage, puis au restaurant où visiblement le goût de la langouste grillée à 7€ ne lasse pas du tout ! La mauvaise surprise est venue d’une erreur de pilotage de mon vélo. En me rendant sur la plage d’Ancon à 13 km de la ville, j’ai mal apprécié la hauteur des rails en sommeil sur la chaussée et ma roue avant a suivi la courbe du chemin de fer, me projetant lourdement sur le morceau l’asphalte restant. Pas vraiment de « gros bobos », mais un bout de peau râpé au niveau du coude droit et une distension des ligaments de mon poignet gauche. Comme j’ai toujours avec moi la pommade aseptique miraculeuse du coach des Dauphins de Créteil José André ramenée de Morzine, pas de soucis : eau de mer et onguent combinés vont faire œuvre de réparation, malgré la gêne occasionnée.
Je visiterai, cette fois prudemment en calèche, le parc naturel « El Cubano » situé au pied du massif de l’Escambray, refuge des guérilleros du Ché, à 7km de la ville. Au bout de la balade cahotante une cascade tombe mollement dans une marmite d’érosion. C’est la saison sèche. Dans ce bassin on goûte aux joies d’une baignade rafraîchissante. Sur le chemin, des acteurs de l’économie locale enseignent l’extraction rudimentaire du jus de canne à sucre, la préparation du café cueilli et torréfié sur place, excellent par ailleurs et servent un repas traditionnel sous une paillote au bord du chemin pour conclure cette activité « très » touristique.
11 février Trinidad-Sancti Spiritus 71 km
Après trois journées passées à Trinidad, cap sur Sancti Spiritus la ville la plus orientale du voyage. Je m’arrête au mirador de Loma Del Puerto qui offre une vue panoramique sur la vallée sucrière de San Luis. Je retrouve le vent de face sur les 70 km qui séparent les deux villes, mais quelques courbes et les cultures de canne à sucre ont amené leur part de récupération. Je ferai la connaissance de Landys, membre bienveillant de la confrérie carlosienne des « casas particular ». Mon séjour sera court, la cité fondée par les Espagnols au XVIème siècle est petite et j’en fais vite le tour. Le musée d’art colonial « au 100 portes » qui présente une collection d’objets des années 1920 appartenant à la riche famille de planteurs sucriers Valle Iznaga, est fermé pour travaux. Néanmoins, avant de partir, je reviendrai sur mes pas en « taxi collectivo » pour visiter en randonnée de 8km le parc écologique de Banao, petite bourgade située à 16 km au bout du massif de l’Escambray.
13 février Sancti-Spiritus Caibarién 91 km
L’étape suivante prévoyait d’atteindre en deux jours la ville côtière de Caibarién située à proximité d’une route étonnante de 30 km, entièrement construite et isolée sur le lagon pour rejoindre le « Cayo Santa Maria ». Il n’en fut rien. La joie de retrouver un bon vent de 3/4 dos, la dimension réduite de Placetas, étape initialement prévue et ma bonne forme physique m’ont projeté directement à Caibarién. Dès les abords de cette localité jonchés de détritus en tout genre, on est mal à l’aise. Les rues minées de trous sont abandonnées à leur triste sort de même que la majorité des immeubles. Je comprends vite que je ne n’irai pas sur le Cayo Santa Maria. La route à péage est réservée aux seuls transits touristiques qui partent de Remedios la ville d’à côté.
Là encore, c’est l’accueil chaleureux d’une famille qui va compenser par sa richesse du cœur l’extrême pauvreté de la Ville. Je prendrai mes repas préparés par mes hôtes. La case particular de Pedro est située sur la « caille 12 » qui mène au port de pêche et aux deux plages. Si le petit port dépourvu d’installations bénéficie du charme des embarcations locales, les plages, dont l’une est dotées de deux hôtels, sont revêtues par la tristesse d’un remblai planté de maigres palmiers dans de rares touffes d’herbes. Les hôtels sont vides, mais la baie poissonneuse accueille un couple de dauphins en chasse. Je terminerai la matinée au restaurant local en fête dont les plats baignent dans une salsa qui a transpercé la sono. Car, à Caibarién, dans cet univers urbain d’une grande tristesse, la joie, comme partout dans Cuba, vient de la musique.
14 février Caibarién-Santa Clara 57 km
Je quitte Caibarién sans regret pour rejoindre Santa Clara distante de 57 km par une route facile à rouler. Santa Clara incarne le mythe d’Ernesto Guevara, « Le Ché », devenu icône mondiale avec la célèbre photo d’Alberto Korda. En attaquant avec succès le train blindé envoyé en renfort par Batista pour stopper les révolutionnaires castristes, il assura définitivement la victoire de la révolution. Exécuté en Bolivie en 1967, ses restes, opportunément rapatriés de Bolivie par Castro pour célébrer le trentième anniversaire de sa mort, seraient inhumés, sans identification formelle, dans le mémorial des martyrs de la ville.
Pour arriver à La Havana le 17 février où j’ai réservé ma chambre à l’hôtel Mango afin de démonter mon vélo la veille de mon retour en France, je décide de prendre des bus Viasul pour visiter en amont la péninsule de Varadero située à 216 km au nord, puis de rejoindre la Havana à 140 km par Matanzas.
En dehors de ses grandes plages de sable blanc, l’avantage de cette zone hôtelière ultra touristique c’est que l’on bénéficie du « tout inclus » payable par carte bancaire en Euros, car je n’ai plus suffisamment de cash en Euro et les devises en Pesos Cubains ne sortent pas de Cuba. Les plages de Varadero, le tunnel sous-marin creusé sous l’entrée de la baie pour relier ses deux rives de La Havana et un dernier parcours dans le noir des rues de La Havana Vieja privées d’électricité mettront un terme à ce voyage vélo atypique, riche d’enseignement historique et social.
Me gusta, j’ai aimé.
La richesse de la culture, la musique, la danse l’art sous toutes ses formes – Le patrimoine historique et architectural – La résilience des cubains face à leur condition de vie – La bienveillance chaleureuse des habitants – L’accueil des propriétaires des casas particular, notamment du réseau créé par Carlos et Anelis – Les langoustes grillées – les voitures américaines des années 1950 – La débrouillardise et l’habileté des artisans cubains – Une mixité sans racisme et la solidarité du peuple – La beauté physique des habitants – L’organisation de l’éducation obligatoire et gratuite – La beauté naturelle des plages.
No me gusta, je n’ai pas aimé.
Les routes détruites non roulables – L’absence de signalisation routière – L’absence de médicaments et de produits d’hygiène – Le manque de biens de première nécessité – Les coupures de courant impromptues – Les transports collectifs aléatoires – Les communications défaillantes ou restreintes – L’eau courante non potable – La gestion des déchets et l’absence de conscience écologique – L’inflation galopante – L’importation des matériels et denrées – Les bas salaires – L’interdiction de la liberté d’expression politique et sociale – L’embargo américain – Le marchandage des prix.
Conclusions sur cette aventure à Vélo sur Cuba
Quel avenir pour Cuba ?
L’avenir de Cuba est complexe et incertain, influencé par une multitude de facteurs économiques, politiques et sociaux.
La situation actuelle
Cuba fait face à une grave crise économique, exacerbée par l’embargo américain, la pandémie de COVID-19 et la diminution du soutien de ses alliés traditionnels. L’inflation galopante, les pénuries de biens de première nécessité et les coupures d’électricité fréquentes contribuent à la détérioration des conditions de vie de la population.
Sur un plan politique le pays est en transition générationnelle avec le départ des dirigeants historiques de la Révolution cubaine. L’avenir du système politique cubain et la possibilité d’une ouverture démocratique restent incertains.
Un nombre croissant de Cubains, en particulier les jeunes, choisissent d’émigrer en raison des difficultés économiques et du manque de perspectives.
Perspectives d’avenir
Le gouvernement cubain a entrepris des réformes économiques limitées, telles que l’autorisation de certaines activités du secteur privé. L’efficacité de ces réformes et leur capacité à stimuler la croissance économique seront cruciales pour l’avenir du pays. Les résultats obtenus restent fragiles.
Tout peut exploser du jour au lendemain sur un « ras le bol général ou un fait spécifique même mineur», notamment après le départ des leaders actuels et le renouvellement des officiers de l’armée.
L’évolution des relations entre Cuba et les États-Unis aura un impact significatif sur l’avenir du pays.
Une levée de l’embargo américain pourrait ouvrir de nouvelles perspectives économiques pour Cuba.
La diaspora cubaine pourrait jouer un rôle important dans le développement économique et social du pays, notamment par le biais d’investissements et le transfert de fonds.
Le tourisme est un acteur majeur de l’économie cubaine, et son évolution aura un impact fort sur l’avenir du pays.
L’avenir de Cuba dépendra de la capacité du pays à surmonter ses défis économiques, à mener une transition politique réussie et à s’adapter aux changements du contexte international.